Mardi 26 avril 2016
Université Catholique de l’Ouest Bretagne Nord Campus de La Tour d’Auvergne Guingamp
Depuis la parution de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé stipulant que les établissements de santé mènent « en leur sein, une réflexion sur les questions éthiques posées par l'accueil et la prise en charge médicale », la réflexion éthique a peu à peu pris forme dans ces établissements. Des comités, espaces, groupes… éthiques se sont constitués en France, le plus souvent au sein des villes universitaires disposant d’un CHU, parfois à l’initiative des personnels soignants, parfois à l’initiative des responsables d’institutions.
Il est vrai que la mention de plus en plus précise de la réflexion et de la formation éthique dans les référentiels d’accréditation des établissements de santé, en a fortement incité un bon nombre à créer en leur sein des comités et espaces éthiques. Il faut dire aussi que la complexité des situations cliniques auxquelles sont confrontés aujourd’hui les personnels soignants a rendu évident pour beaucoup l’intérêt de cette réflexion.
S’il y a en éthique des principes auxquels on peut se référer, personne pour autant ne peut se prétendre « expert » en la matière ce qui ne va pas sans poser problème car si une expertise n’est pas possible la réflexion éthique ne peut se satisfaire d’un relativisme des valeurs et des principes ou de leur interprétation. Des questions se posent alors quand il s’agit de faire des choix relativement à des situations singulières et qu’il faut décider de ce qui est le mieux ou le moins mauvais pour le meilleur bien-être de la personne malade. Très vite il apparaît qu’une démarche éthique si elle s’impose, ne saurait s’improviser ; des temps de formation sont donc nécessaires.
La première manière de se former est sans doute la pratique elle-même de cette réflexion éthique en situation. Mais chacun sait bien aussi qu’il apprend beaucoup sur lui-même en rencontrant les autres et que la confrontation des pratiques peut être particulièrement enrichissante et instructive. Cette rencontre des autres peut se faire d'abord dans les institutions au sein d'un espace de réflexion éthique et notamment à l'occasion de situations cliniques qui posent des problèmes éthiques. Mais faute de pouvoir se fonder sur une parole d'expertise, la formation en éthique relève d'un questionnement intersubjectif critique qui est toujours à reprendre ; c'est une tâche toujours à poursuivre !
Pour ces raisons et parce que les « retours » qui nous sont parvenus après la première « Journée Départementale » organisée en avril 2015 nous ont confortés dans notre initiative, nous avons pensé qu’une nouvelle rencontre entre les membres des différents groupes et espaces éthiques qui se sont constitués dans le département pouvait avoir un intérêt.
Suite à des propositions qui nous ont été faites, nous avons choisi de la faire porter, cette année, sur les questions relatives à la bonne pratique du soin en institution et notamment sur la prise en compte, dans cette pratique, de la dimension spirituelle.
L'interrogation sur les conditions d'une bonne pratique du soin pour les personnes en situation de grande ou très grande vulnérabilité en institution, est somme toute récurrente ; elle porte aussi bien sur la pratique de la relation de soin elle-même que sur les effets du cadre institutionnel sur les conditions de cette pratique.
Ainsi par exemple les textes nous demandent de favoriser toujours et au mieux l'autonomie de la personne soignée. Cette demande correspond bien à un principe éthique fondamental, le « principe d'autonomie », fondé sur le droit à la liberté, propre à toute personne en tant que sujet. Il est alors de l'ordre de l'obligation de toujours solliciter l'avis de la personne soignée et de prendre en compte l'expression de sa volonté, conformément à la règle déontologique selon laquelle le soignant doit rechercher et si possible obtenir le « consentement libre et éclairé de la personne » avant d'entreprendre un traitement. Mais chacun sait bien, aussi, qu'en pratique cela soulève des difficultés, notamment lorsqu'il s'agit de personnes en situation de grande ou très grande vulnérabilité. Que peut bien signifier l'autonomie d'une personne en situation de très grande vulnérabilité et dépendance ?
Entre la situation de la personne consciente, disposant de toutes ses facultés intellectuelles et celle qui n'en dispose plus il y a bien des situations intermédiaires, celles que l'on rencontre le plus souvent au quotidien et pour lesquelles le choix d'une bonne pratique est loin d'être simple ! « En éthique, dira P.Ricoeur, le choix n'est pas entre noir et blanc mais entre gris et gris ».
De telles situations interpellent les soignants sur le seuil entre « bientraitance » et « maltraitance », entre une « violence symbolique » et une « violence diabolique ».
Des questions du même genre se poseraient aussi bien concernant l'application, dans des situations toujours concrètes et singulières, d'autres principes éthiques sur lesquels, pourtant, nous pourrions nous accorder en « théorie » : « principe de bienveillance », « principe de respect », « principe de justice », « principe de solidarité ».
Ces interrogations sur les conditions d'une bonne pratique du soin seraient abusivement réductrices si nous ne prenions pas en compte le cadre institutionnel dans lequel s'inscrivent ces pratiques.
A ce cadre correspondent des lieux, des espaces, des règlements, des règles, protocoles ….Si ce cadre, et notamment son aspect réglementaire, sont utiles, encore faut-il qu'ils ne circonscrivent pas trop étroitement les pratiques et qu'ils n'empêchent pas les initiatives, l'exercice de la créativité, la bonne pratique de la « jugeotte » pour adapter au mieux la règle à la situation et qu'il ne soit pas fait obstacle à la bonne pratique du soin. Ainsi en est-il, pour ne prendre qu'un exemple, de la question du temps : comment harmoniser au mieux, dans la pratique, les différentes modalités du temps (temps objectif, temps subjectif, temps institutionnel de la division des tâches, temporalités différentes selon les handicaps...)....
Ainsi la bonne pratique du soin en institution ne relève jamais simplement d'une application systématique de principes et de règles qu'il suffirait de connaître. C'est ce qui rend la réflexion, le dialogue, la rencontre des autres et le partage d'expériences nécessaires. C'est là aussi la raison d'être de cette seconde Journée Départementale.
Cette seconde Journée Départementale »sera nous l'espérons, l'occasion d' échanges entre praticiens (ou futur praticiens) de la réflexion éthique, notamment en institution. Venez avec vos questions, vos interrogations, vos suggestions... et toute la richesse de votre expérience.
A la suite de propositions qui nous ont été faites, nous avons choisi d'intégrer à notre réflexion sur les conditions d'une bonne pratique des soins aux personnes, en institution, la prise en compte, dans le soin de la dimension spirituelle.
Cette dimension spirituelle est trop souvent « l'oubliée » de nos réflexions ; contrairement à ce que l'on serait tenté de penser cette dimension ne concerne pas seulement les croyances et pratiques religieuses, mais elle inclut, plus généralement, le questionnement sur le sens de nos existences, le sens de la souffrance, l'interrogation sur la mort, sur la transcendance (religieuse ou non)...
Dans un milieu où se rencontrent non seulement ce que le sociologue Bourdieu appelait « la misère du monde », mais aussi la diversité des horizons culturels, des univers de valeurs présents dans la société...la prise en compte de la spiritualité peut faire problème ; elle renvoie, en effet, pour chacun, soignant et soigné, le plus souvent au plus intime ; elle nous interpelle sur le respect, dans nos pratiques, et dans notre relation à l'autre en situation, du principe de laïcité.
Pour nous aider dans notre réflexion nous avons fait appel à Eric FIAT, philosophe, professeur à l'Université de Marne La Vallée. Il est intervenu à plusieurs reprises pour des formations et des conférences organisées par l'E.R.E. Nous apprécions la précision, la clarté de ses propos, la pertinence de ses analyses, nourries de ses rencontres avec les personnels soignants dont il assure la formation. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de référence sur l'éthique et notamment : Grandeurs et misères de l'homme, Petit traité de dignité, éd. Larousse et, plus récemment, Corps et âme, éd.Cécile Defaut, 2015. Ses ouvrages seront disponibles à la vente lors de la journée.
Eric FIAT fera une conférence, la veille, le lundi 25 avril, à 20h00, au C.H. Yves Le Foll, amphi de l'IFSI à Saint-Brieuc. Cette conférence aura pour sujet : « Sombrer corps et âme : une interrogation sur la fatigue ». Ce sera déjà une façon d' introduire la Journée Départementale.
Pour l’Espace de Réflexion Ethique
Thérèse BOVYN, Jean-Charles SACCHI
Renseignements : Téléphones: 02.96.33.92.73 ou 09.53.63.62.03